Quand j’ai commencé à me former au yoga, c’était dans le but de développer ma pratique personnelle, de la rendre efficace, équilibrée, sans risque.
La perspective d’apprendre à séquencer mes propres cours me rassurait, car j’ai toujours détesté l’incertitude et l’à peu près. Je fais partie de la Team “organisation millimétrée,” planifiant mes journées de manière quasi-militaire pour concilier un emploi du temps de ministre. Donc pas du tout question pour moi à l’époque d’écouter mes envies ni d’improviser sur mon tapis.
Mon anxiété a souvent renforcé cette approche, me poussant à être toujours plus perfectionniste, à contrôler chaque aspect de ma vie, bien que cela n’ait pas toujours apaisé mon anxiété (bien au contraire). En partie inconsciemment à l’époque, et par manque de confiance notamment, je me suis construite avec l’idée qu’il fallait que je change ma façon d’être pour correspondre aux normes, me fondre dans la masse, être acceptée, plaire aux autres… sans jamais me demander ce dont moi, j’avais envie, et qui j’avais envie d’être.
Pour cette raison, j’ai également poussé mon corps à la recherche de la perfection, sans jamais être satisfaite de mes résultats, que ce soit dans le sport, les études, ou ma vie en général. J’ai été une éternelle insatisfaite (et parfois, je le suis encore).
De la place d’élève débutante…
Avant de débuter le yoga un peu par hasard, je pensais que ce serait “trop facile” étant donné que je pratiquais la natation synchronisée, un sport complet et exigeant, presque sans respirer. J’ai vite réalisé que c’était une erreur !
Ma plus grande difficulté au commencement du yoga a été de prendre conscience de l’assaut constant de pensées intrusives dans mon esprit, sans aucun moment de répit. Pas de musique, pas mille choses à penser simultanément comme en synchro. Juste moi-même. Ouch.
En tant que control freak, j’ai d’abord adopté ma stratégie habituelle : pousser mon corps dans des postures à tout prix (merci l’ego), frustrée d’être débutante et de galérer. Puis, j’ai commencé à décoder mon corps, à comprendre que certaines postures seraient plus compliquées pour moi, voire impossibles en raison de mon anatomie, et que je ne pouvais rien y changer. J’ai commencé à traiter mon corps avec bienveillance, à cesser d’être en compétition avec lui, à ne plus lui en demander trop. Les pensées intrusives se sont espacées. J’ai commencé à lâcher prise sur ce que je ne pouvais pas contrôler.
Malgré tout, j’ai longtemps eu du mal à pratiquer seule sans prendre de cours avec un professeur, principalement parce que je reléguais encore mon bien-être physique et mental en bas de ma liste de priorités. Avec du recul, je pense aussi que j’avais encore un peu peur de me retrouver seule avec moi-même et mes pensées sur mon tapis.
… À celle de professeure !
Plus récemment, lorsque j’ai commencé à enseigner le yoga, je me suis retrouvée confrontée à mes vieux “démons” : l’anxiété est revenue, avec elle la quête de perfection et de contrôle dans mes cours car je voulais bien faire.
Progressivement, sans m’en rendre compte, j’ai introduit de plus en plus d’improvisation dans mes cours. Cela peut sembler anodin pour la plupart, mais pour moi, qui trouve du réconfort dans le contrôle, c’est une véritable victoire. J’ai improvisé car les séquences que j’avais créées pouvaient parfois être trop longues, ne correspondaient pas à l’énergie de mes élèves ou à la mienne, ou parce qu’ils avaient des blessures ou des tensions que je devais prendre en compte.
Auparavant, tous ces “imprévus” m’auraient paralysée, et je les aurais évités à tout prix.
Auhourd’hui, j’ai réalisé que non seulement je les accueille, mais je commence aussi à les rechercher. Je ressens du plaisir à ne pas respecter la séance que j’ai préparée pour m’adapter à la discussion que je viens d’avoir avec un de mes élèves, à ses zones de tension et à ses émotions. Ce sentiment de lâcher-prise est finalement plus libérateur que je n’aurais osé l’imaginer, et me permet d’exprimer ma créativité dans mes cours, qui se trouvent décupler car je lui permets de sortir du cadre établi.
Je n’ai plus peur d’avoir des élèves différents. Je sais que je suis capable de gérer un cours “coûte que coûte” : élèves jeunes et plus âgés, blessés et en pleine forme, sur chaise et sur tapis, en surpoids, en situation de handicap physique et mental. Avec beaucoup d’humilité bien sûr.
Je peux maintenant affirmer que le yoga m’a appris à lâcher-prise, à développer ma capacité d’adaptation, et à avoir confiance en mes capacités. Il m’a aidé à m’accepter comme je suis, ce qui n’est pas facile quand on est perfectionniste, car on trouve toujours une raison d’être insatisfait de soi-même.
J’ai désormais trouvé un équilibre dans ma capacité d’adaptation, sur le tapis comme en dehors : oui, je sais m’adapter, mais seulement à condition que mes besoins et mes valeurs soient bien respectés.
Et vous, est-ce que le yoga vous a aussi aidé à vous accepter, à arrêter d’être en compétition avec vous-même ou les résultats sont complètement différents ?
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