J’écris cet article afin de vous raconter l’expérience de mon dernier voyage en Inde. Sous la forme de questions / réponses, à coeur ouvert et sans retenue, malgré ma pudeur habituelle, car j’ai envie de partager tous les enseignements et apprentissages riches que j’ai reçus. L’écriture est aussi un formidable outil pour m’aider à assimiler les leçons de ce voyage, petit à petit.
Mon voyage est encore récent, et mes découvertes sont toutes fraîches ! Je suis sûre que dans quelques temps, je prendrai de nouveau conscience de leçons qui auront infusé lentement, et que je vous partagerais à nouveau.
Un voyage transformateur
Quel était le but de ce voyage en Inde ?
Je suis partie pour la troisième fois en Inde, afin d’approfondir mes connaissances en Ayurveda, bénéficier de soins ayurvédiques (Panchakarma) et découvrir la sagesse du Vedanta.
Il y avait 3 volets dans mon voyage :
- Un stage au sein d’une université ayurvédique avec immersion au sein de l’hôpital ayurvédique universitaire : un mix de cours théoriques et de démonstrations à l’hôpital. Nous avons étudié dans les départements d’Hygiène de vie ayurvédique, Panchakarma, Thérapie du feu, Maladies ORL, Poisons et Gynécologie.
- Un Panchakarma, qui est une cure ayurvédique de purification profonde du corps visant à éliminer les toxines, rééquilibrer les doshas et revitaliser le corps et l’esprit. Et ce afin d’éviter l’apparition de déséquilibres, maladies ou blessures ultérieures. Je ne souffre pas de maladie particulière, mais j’ai observé depuis plusieurs mois (grâce à l’étude de l’Ayurveda), que certains déséquilibres commençaient à pointer le bout de leur nez : épuisement, inflammation des articulations, anxiété, chute de cheveux, essoufflement malgré ma bonne condition physique, une digestion pas optimale, etc.
- J’ai également passé quelques jours au sein de la Vedanta Academy à Lonavla, à 1h30 de Pune. La Vedanta Academy, fondée par Swami Parthasarathy en Inde, est un centre dédié à l’étude de la philosophie védantique. Elle propose un programme résidentiel structuré pour approfondir les enseignements des Écritures anciennes, combinant réflexion intellectuelle, discipline spirituelle, et développement de la maîtrise de soi, afin de vivre une vie plus éclairée et harmonieuse. Le but du Vedanta est d’atteindre la libération (moksha) par la connaissance et l’introspection.
Qu’attendais-tu de cette expérience et quels étaient tes objectifs ?
Je n’avais pas d’objectif particulier, sauf pour le Panchakarma. Je souhaitais faire une sorte de « reset » de mon corps, le purifier afin d’éliminer tout terreau de maladie et repartir avec lui sur de bonnes bases 🙂
Pour le reste, je préférais rester ouverte à ce que ce voyage allait m’apporter, sans avoir d’attente ou d’idées préconçues.
L’expérience du Panchakarma
Qu’est-ce que le Panchakarma ?
Le Panchakarma est une thérapie ayurvédique traditionnelle conçue pour purifier le corps en profondeur et rétablir l’équilibre des doshas (Vata, Pitta, Kapha). Ce processus de détoxification inclut des traitements spécifiques (karma) tels que les massages à l’huile (Abhyanga), les bains de vapeur (Swedana), et des pratiques de nettoyage interne comme le Vamana (vomissement thérapeutique), le Virechana (purge), le Basti (lavement), le Nasya (on verse de l’huile chaude dans les narines), et parfois la Raktamokshana (saignée par l’utilisation de sangsues).
L’objectif du Panchakarma est de libérer le corps des toxines accumulées, et par ricochet, de renforcer l’immunité, améliorer la digestion et favoriser une clarté mentale et émotionnelle. C’est une cure holistique qui demande un encadrement médical rigoureux et une adaptation personnalisée, qu’il n’est pas possible de réaliser en France.
Ton ressenti avant, pendant et après la cure : challenges, découvertes, bienfaits.
Avant de débuter la cure, j’appréhendais ce qui allait se passer car je ne savais pas quels karmas allait m’être réservé. Cela dépend des consultations avec les médecins ayurvédiques, mais aussi de la « force » de mon corps, de ce que mon corps pouvait accepter. Je me demandais à quelle sauce j’allais être mangée. Mais surtout, j’avais lu des articles de retours d’expériences de Panchakarma qui avaient été intenses et avaient généré beaucoup de troubles émotionnels. En effet en nettoyant le corps physique et en le libérant de ses toxines, cela agit également sur un aspect plus subtil…
J’appréhendais la libération de certaines « blessures » ou expériences passées, bien que ce soit un mal pour un bien. Finalement – et comme la majorité du temps – ce que j’appréhendais ne s’est pas produit ! Mon protocole de soins a été plutôt léger, déjà car je restais 15 jours pour la cure alors que celle-ci dure en principe une quarantaine de jours.
Et ensuite car j’étais déjà « en sur-adaptation » : en voyage de la France vers l’Inde, je demandais déjà à mon corps un effort pour s’acclimater au climat, à la nourriture, au mode de vie, à un nouveau rythme… il semble que les médecins l’aient pris en compte pour ne pas pousser mon corps plus loin que ce qu’il aurait pu supporter 🙂
J’ai reçu plusieurs soins dans mon protocole fixé par les médecins, qui a évolué durant les 15 jours en fonction de la façon dont mon corps y répondait :
- Prise de médicaments (à base d’épices et de plantes) avec du ghee, qui ont évolué vers des médicaments Rasayana (régénérant) à la fin de mon séjour.
- Janu Basti : un soin qui consiste à créer un réservoir d’huile médicinale chaude sur l’articulation du genou pour soulager les douleurs et nourrir les tissus.
- Massage Abhyanga : le fameux massage aux huiles chaudes 😉
- Svedana : une cabine de sudation pour détendre les muscles et éliminer les toxines.
- Basti : administration d’huiles ou décoctions médicinales (par alternance un jour sur deux) dans le côlon, pour équilibre Vata dans son site de production.
As-tu une anecdote ou un moment qui t’a marqué ?
Il y a une journée qui m’a particulièrement marqué car j’ai ressenti de fortes vagues d’émotions. Je recevais les soins le matin, avant d’aller en cours à l’Université ou à l’hôpital.
Mes soins avaient pour objectif de diminuer Vata dans mon corps, et plus précisément dans mes articulations. Cela provoque des inflammations (douloureuses) et des articulations qui craquent (signe de la présence d’Ama, les toxines, qui fragilisent les tissus de notre corps). Ces symptômes entraînent de la fatigue, car mon corps lutte contre les inflammations. Cela donc peut paraître assez anodin dans notre médecine allopathique, mais est pris en charge par l’Ayurveda, car cela est déjà un signe de déséquilibre dans le corps, marqui peut s’aggraver. On coupe l’herbe sous le pied, on prend le problème à la racine, choisissez l’image qui vous parle le plus 😉
Cependant, avant que cela ne se produise, il fallait libérer les toxines bloquées. Quand le corps les évacue, cela crée immédiatement de l’espace dans le corps, entraînant une augmentation de Vata, ce dosha étant composé d’Air et d’Éther – l’espace donc…
Après les soins ce matin là, je me suis sentie particulièrement sensible. Je sentais mon coeur battre fort et rapidement dans ma poitrine, vaseuse. Je suis malgré tout allée en cours à l’hôpital, où nous étudiions ce jour là la chirurgie ayurvédique. Après un cours théorique, notre professeur-chirurgien nous a amené avec lui au bloc opératoire pour que nous assistions au soin d’une fistule anale.
Pour avoir travaillé en milieu hospitalier plusieurs années et à l’Etablissement Français du sang, je sais que je suis sensible aux odeurs, à la vue de trop de sang, ou autres composés organiques. Je suis entrée dans la salle d’opération, en me tenant à l’écart de la zone opérée. J’étais donc du côté du visage du patient, et je crois que c’était presque pire pour moi.
L’opération avait lieu sous anesthésie locale, le patient était conscient et semblait ressentir la douleur, car je voyais les traits de son visage se déformer tout au long de l’opération. C’était un patient âgé, presque édenté, qui semblait souffrir. J’étais au bord des larmes car je trouvais sa douleur insupportable, et c’était comme une torture d’en être témoin. Je me suis sentie comme dans le tableau Le cri, d’Edvard Mung. J’ai tenu bon pendant l’opération, en changeant de côté pour finalement aller voir l’opération en elle-même, plutôt que le visage du patient.
Ce n’est qu’en sortant de l’hôpital que j’ai pleuré, lâché toute la douleur que m’avait causé cette scène. Je me suis sentie hypersensible et émotive toute la journée, à fleur de peau, presque fragile, les sens en émoi et des sensations décuplées (alors qu’elles sont déjà bien plus stimulées en Inde).
Avec du recul, je me suis rendue compte que cette scène du bloc opératoire m’avait touchée dans une brèche personnelle. Sans cela, j’aurais certainement eu de l’empathie pour ce papy allongé sur la table d’opération, mais j’aurais pu l’encaisser. Mais dans mon cas, cette scène a résonné avec mon histoire personnelle, car par le passé j’ai déjà eu du mal à supporter d’être témoin des souffrances de mon père, durant 2 ans. Et c’est venu me chercher à ce moment là.
Ce sentiment de dualité entre l’impuissance, la passivité d’être témoin, et l’envie irrépressible d’agir, soulager, partager le fardeau – juste faire quelque chose. Et la réalité qui ne te laisse finalement pas d’autre choix de d’encaisser et développer ta résilience.
C’est la seule journée de soins qui a été aussi intense. Maintenant que je suis rentrée en France, je prends conscience que les effets du voyage sont plus subtils, latents, que ce que je pensais. Que j’ai besoin de les confronter à ma réalité française pour intégrer ce que j’ai appris et découvert. Comme une brèche qui se fissure avec le temps, les changements seront subtils mais profonds, et permanents.
Voici pour le 1er épisode de mon récit, qui en compte 3. Les épisodes suivants seront consacrés à mes cours à l’Université et à l’Hôpital ayurvédiques, mes découvertes sur le Vedanta, et aux impacts professionnels et personnels de ce voyage.
N’hésite pas à me laisser des commentaires ou questions ci-dessous 😉
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